C'est une voiture pour déranger les rationnels cartésiens que nous sommes. C'est vrai qu'elle ne sert à rien et fait s'entremêler des mondes qui s'évitaient jusque-là. Le break d'un côté, à vocation plutôt familiale a priori, et le déferlement de chevaux sous la badine des ateliers AMG, cela a une certaine allure qui fleure bon les breaks de chasse d'autrefois. Instiller une dose d'utile à une mécanique affûtée de sportive est un mariage des contraires initié par Aston Martin jadis. Alors, pourquoi ne pas planter aujourd'hui sur un châssis aiguisé comme une lame une carrosserie pas moins effilée, même si c'est celle d'un break, voilà bien une extravagance que nous avons tenté de vivre au quotidien. Le meilleur, c'est que ça marche montres mécaniques homme !
CE QUI CHANGE. Vis-à-vis du Shooting Brake 350 CDI que nous avions essayé précédemment, on retrouve un petit air connu, mais, si la partition est a priori identique, l'interprétation n'est plus celle d'un orchestre de chambre mais bien celle d'un groupe de hard rock. La façon dont elle est posée au sol, arc-boutée sur ses énormes roues de 19 pouces, prête à bondir, laisse songeur. Le marquage "V8 biturbo" scintillant sur les ailes avant comme la calandre à lame simple, le design du capot et des jantes façon AMG et l'extracteur arrière captent le regard.
Inutile de dire qu'en termes d'équipements AMG a fait son marché et rempli son cabas avec les fabuleux sièges AMG multicontours gainés de cuir nappa et pourvus des mémoires de position nécessaires, le volant spectaculaire et le tableau de bord garni de bois laqué façon piano et frappé d'une élégante montre analogique dessinée par... IWC. Puisqu'il s'agit encore d'un break, le compartiment à bagages peut être traité, en option, en merisier, dans le plus pur style bateau.
LA TECHNIQUE. Sous l'immense capot trône toujours le V8 le plus en forme de la gamme Mercedes ! Passé entre les mains des techniciens AMG, ce 5,5 litres se voit pourvu d'une paire de turbos pour délivrer 525 chevaux et 700 Nm en version standard ou, pour les insatisfaits, l'Édition 1 forte de 557 chevaux et 800 Nmn ! Il est associé à deux échangeurs air-eau et à la boîte de vitesses AMG Speed Shift MCT 7, une automatique et non une robotisée, pourvue de sept rapports. Elle enchante les mélomanes avec une fonction double débrayage pour les oreilles. Trois modes de passage des rapports (normal, Sport, Sport+) sont disponibles au choix. Sur la console centrale, il est possible de choisir l'un des quatre modes de fonctionnement et un dispositif "Race Start", pour soigner les démarrages et laisser un peu de gomme fumante au sol. Le châssis paramétré Ride Control, avec les préréglages de conduite du plus confortable au plus sportif (Confort, Sport et Sport+), permet de trouver rapidement chaussure à son pied.
L'AVIS D'AUTO-ADDICT. On descend à bord de cette AMG pour trouver un poste de conduite intimidant et une assise basse. De quoi nourrir quelques inquiétudes pour la conservation des jantes, car, quelque peu engoncé dans cette carrosserie enveloppante, on discerne mal les limites à ne pas atteindre. Les bips de toutes sortes sont là pour vous guider, mais c'est toujours trop tard lorsqu'un trottoir meurtrier vous agresse au passage. Le V8 ronronne doucement, très filtré depuis l'intérieur, nettement plus évocateur pour la galerie à l'extérieur. Dommage, on aimerait parfois jouer un peu plus les décibels, mais, à la longue, le choix Mercedes est plus reposant.
Il contraste en tout cas avec l'énorme claque que l'on reçoit dans le dos à la première accélération plus déterminée. Largement de quoi vriller les aiguilles du chrono, sauf peut-être un IWC, car le 0 à 100 km/h est atteint en 4,4 secondes (4,2 pour l'Edition 1). Sagement, la vitesse maximale est limitée à 250 km/h. La consommation est annoncée à un raisonnable 10,1 l/100 km, mais nous avons obtenu 14,7 l durant l'essai, une bonne surprise vu le rythme adopté. L'efficacité du Stop & Start se vérifie là, et la science des motoristes capables aujourd'hui de sortir d'énormes puissances sans obérer les résultats en consommation.
Encombrante en ville, impériale sur autoroute avec une capacité de réaccélérer à haute vitesse confondante, l'AMG doit composer sur les petites routes avec sa taille et son poids de près de deux tonnes. À cet instant, l'option freins céramique peut se révéler utile aux conducteurs les plus sanguins. Le châssis, en revanche, ne fait pas mystère de son typage sportif et, malgré un amortissement adaptatif aux réactions rapides, laisse voir tout le travail des suspensions. Les voies élargies, la hauteur de caisse variable ainsi que l'ESP à trois niveaux donnent de l'assurance, d'autant que la direction est devenue encore plus directe et vivante. De quoi oublier que l'on se trouve dans une voiture de cinq mètres de long.
